SEO Hero, un concours pitoyable !

  • SEO
  • 5 avril 2017
Un homme réfléchissant devant son ordinateur portable sur la compétition SEO Hero compétitive.

Le 30 mars dernier, le gagnant du concours SEO Hero organisé par Wix a été désigné. Il s’agit d’un français prénommé Walid. Une victoire qui a fait des remous, comme le concours lui-même d’ailleurs, pour bien des raisons.

Avant d’aller plus loin, en quoi consistait ce concours SEO-Hero ?

Le concours a été lancé par Wix, une plateforme en ligne qui permet à ses utilisateurs de créer des sites web sans connaissances spécifiques, en mode WYSIWYG (What You See Is What You Get). Wix étant accusé d’être un très mauvais support pour le SEO, se faisant troller notamment par les professionnels du web et du référencement en particulier, ils ont pensé qu’organiser ce concours pourrait constituer une bonne opportunité de prouver au monde entier que Wix peut être tout à fait performant au niveau SEO. Le concours a été lancé en novembre 2016.

Le tournoi obligeait à créer un site (en anglais) à partir d’un nom de domaine absolument neuf, n’ayant jamais servi au préalable. Un accès à la Google Search Console devait par ailleurs être confié au juge, ce qui limitait fortement les stratégies « alternatives » dira-t-on sobrement… Pour gagner, il fallait donc positionner celui-ci au plus haut dans les résultats de recherche sur le mot-clé « SEO Hero ».

Après 4 mois, un relevé des meilleures positions sur Google.com depuis New York indiquait alors les classements pendant 7 jours consécutifs. Le site le mieux positionné, en moyenne, pendant ces 7 derniers jours, l’emportait. Et le prix était plutôt important : $ 50.000 ! Un record absolu, dans la profession.

Une belle somme, certes. Mais pour une agence SEO, le jeu en valait-il la chandelle ? À priori, non. Nous en avons discuté entre confrères. Vous allez comprendre nos réticences.

Tout d’abord, selon les règles, l’accès devait être donné à l’équipe Wix à la Search Console et à Google Analytics. Donner accès à ces précieuses informations à un compétiteur ne semble pas l’idée la plus lumineuse que l’on puisse avoir…

Une agence SEO qui dispose de réseaux de sites thématiques aurait par ailleurs pris le risque d’exposer les sites utilisés pour le concours. Et par voie de conséquence, elle aurait mis en péril une partie de son business, des clients ou des partenaires.

Sans compter qu’un troisième acteur s’intéressait certainement à ce concours : cet acteur, c’est bien évidemment, Google…

Il est en effet facile pour Google de filtrer la requête et par ce biais, de forcer les participants à forcer leurs stratégies. Il est tout aussi facile pour Google d’analyser les sites qui se positionnent le mieux, d’analyser les liens entrants, et de mettre à nu les stratégies employées. À partir de là, il est très facile d’appliquer des pénalités ou de remonter des informations qui permettront d’ajouter des correctifs au sein de l’algorithme du moteur de recherches ou plus modestement, d’y apporter des ajustements.

Les professionnels du SEO – consultants SEO et experts SEO en tête – savent que l’une des stratégies les plus efficaces, lorsque vous décidez optimisez votre référencement web avec Google et lorsque le contenu est de qualité, en quantité suffisante et réparti au sein d’une arborescence logique, c’est de constituer un réseau de sites thématiques de qualité, qui vont collecter des liens en provenance de tout un tas d’autres sites et envoyer quelques liens de très haute valeur vers le money-site que l’on souhaite positionner. On appelle ça des PBN (Private Blog Networks). Cela signifie donc qu’une agence qui possède ce type de réseaux, dédiés au positionnement des sites de ses clients, et qui l’aurait utilisé pour remporter cette compétition l’aurait dévoilé au géant de Mountain View ! Sachant que le montant à gagner couvre tout juste le coût de création d’environ 200 sites de ce type et que la plupart des agences en ont bien davantage, financés tous les mois par les souscriptions payées par les clients concernés. La participation à ce concours pouvait donc mettre en péril des réseaux bien établis, permettant de facturer tous les mois quelques dizaines de milliers d’euros. À savoir : certaines agences ont des réseaux composés de plusieurs milliers de sites !

Pensez-vous que l’éventualité tout à fait hypothétique de gagner $ 50.000 dollars valait le coup face au risque d’exposer les stratégies et les sites d’une société qui facture peut-être x fois cette somme tous les mois ?

D’autant que la mise en place de réseaux de sites est si complexe, si longue à mettre en œuvre et si coûteuse, lorsqu’elle effectuée dans les règles de l’art. Et on ne parlera pas de certains noms de domaine, qui s’arrachent aux enchères pour des montants de 4 à 5 chiffres.

L’autre possibilité, pour ne pas mettre en péril son réseau de sites : publier chez les autres. Avec des tarifs de publication qui vont de 50 € à 600 €, l’addition peut vite devenir salée. On arrive vite à 3’000 € de dépense pour une vingtaine de liens sur des sites de qualité. Combien en faudrait-il pour remporter ce concours ? 60, 80, 100 ? Il faut ensuite ajouter le temps passé. J’ai de la peine pour certains des participants comme Patrick Stox, qui ont certainement dû y passer des centaines d’heures et qui, au final, non seulement perdent le concours, n’empochent absolument rien et finissent peut-être même détestés de toute la profession tant ils ont « saqué » leurs confrères. Viendra peut-être le temps des regrets et de l’amertume…

Enfin, il y a aussi les critères d’évaluation et les règles du concours qui n’étaient pas très claires dès le départ. Volontairement, sans doute, pour laisser une marge de manœuvre à l’organisateur. Nous avons tous compris que la direction de Wix avait dû exiger de son équipe qu’ils terminent ce concours en montant sur le podium, coûte que coûte. Avec sans doute des incitations particulièrement motivantes à la clé, voire peut-être même des menaces plus ou moins voilées, allez savoir ? Car ce concours était bien sûr, avant toute chose, une opération marketing parfaitement orchestrée.

Ce qui s’est produit à la fin du concours n’a fait que le confirmer : des participants ont été disqualifiés, souvent sur dénonciation, d’ailleurs. Pratiquement tous ceux qui étaient dans le Top 5 ont dû interjeter appel d’une décision de disqualification initiée par des dénonciations. L’ambiance était vraiment « pourrave ». Je n’entrerai pas davantage dans le détail tellement c’était pitoyable.

Au bout du compte, on a pu s’apercevoir que nombre des participants ont utilisé des techniques borderlines, que l’on pensait, pour certaines, reléguées au passé d’ailleurs… On a même entendu parler de hacking, d’attaques DDos, de negative SEO, etc. Bref, ce n’était pas tendre du tout et le métier de SEO n’en est pas ressorti grandi…

Il n’y a peut-être qu’une bonne chose qui soit ressortie de ce concours : la solidarité entre les consultants SEO français. Elle a même été décriée par certains concurrents, jugeant que cela était déloyal qu’un team s’oppose à des participants individuels. Mais c’est oublier qu’une partie du SEO se bâtit sur les partenariats que l’on peut nouer avec d’autres acteurs, positionnés préférentiellement dans la même niche. Bref, toutes ces critiques étaient absolument pathétiques.

Je suis contente et absolument pas surprise que ce soit un consultant SEO (plutôt) méconnu qui ait remporté ce concours. Je ne suis pas sûre que les coups bas qui se sont échangés aient apporté un éclairage enviable sur notre profession, ni même sur Wix qui, avec son site et au prix de quelques disqualifications (discutables pour certaines), finit par se retrouver en troisième position mais au-delà de la 100ème position sur la requête, et qui perd donc son défi…

L’avenir nous dira si cette opération, au-delà du prize-money, aura apporté à Walid une visibilité et une crédibilité supplémentaire. C’est tout ce que je lui souhaite, en tout cas !

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