Beaucoup de nouveaux acteurs se sont lancés ces derniers temps sur le marché de la publicité en ligne, et il est intéressant de se poser une question simple en apparence, mais compliquée en pratique : quel AdServer les agences et régies publicitaires peuvent-elles utiliser ? Les solutions sont diverses et variées, et ont toutes des avantages et des inconvénients. Des coûts aux limitations fonctionnelles, faisons un état des lieux.
Les besoins des agences et des régies
Contrairement aux éditeurs de sites (même le plus gros), les agences et régies ont un certain nombre de besoins, qui sont autant de pré-requis. La capacité de l’outil à gérer une multitude de sites éditeurs ainsi que des annonceurs, la capacité à affecter les bonnes campagnes sur les bons sites, la gestion de différents modèles (CPM, CPC, CPA), la géolocalisation et bien plus encore. Au delà de ces fonctionnalités très « adserving » se posent également des problèmes beaucoup plus terre à terre, comme par exemple la facturation. Toute agence qui sera basée en France devra respecter un certain nombre de règles (facturation, TVA, etc.) qui sont loin d’être prises en charge par nombre de solutions clé en main.
De nouvelles technologies et tendances ont par ailleurs fait leur apparition sur le marché ces dernières années. Elles sont parfois de nature à bouleverser les usage et à rendre obsolètes certaines solutions clé en main. Nous pouvons par exemple citer les Marketplaces et autres AdExchange, les Data Exchange ou encore les SSP (sell side platform).
Solution n°1 : utiliser une marque blanche du marché
C’est le suédois Tradedoubler qui a historiquement enfoncé cette porte le premier en proposant son adserver aux agences et régies que cela intéressait. Si cette solution était intéressante il fut un temps, elle a mis en lumière au fil des années un certain nombre de limites :
1. le fait que sa technologie dépende directement d’un concurrent
2. la nécessité de rentrer dans le « moule » de celui qui fournit la technologie
3. l’utilisation d’un outil qui n’a pas nécessairement vocation à évoluer rapidement
Cette solution n’a cependant pas que des limites. Elle permet de s’entourer d’un acteur qui a de l’expérience en la matière, et de limiter drastiquement le coût initial de lancement comparé au développement d’un adserver.
Pour ceux qui souhaiteraient retenir cette solution, la meilleure option consiste à regarder du côté de chez Tradedoubler, qui équipe notamment Horyzon Clics ou encore Lagardère Performance.
Solution n°2 : utiliser un adserver du marché
Nombreux sont les adservers qui proposent des solutions pour les agences et régies. Contrairement à l’usage en marque blanche de l’outil d’une régie publicitaire, cette solution consiste à utiliser la technologie d’un acteur de confiance, faisant souvent office de référence sur le marché. Cette approche est d’autant plus pertinente qu’elle réduit drastiquement les frais initiaux de lancement d’une plateforme, sans faire l’impasse au niveau des fonctionnalités. Les plus gros adservers du marché sont des options viables : OpenX (SaaS), AdTech, Smartadserver ou encore les solutions Doubleclick (DART notamment) sont très efficaces.
Notons toutefois les quelques limites de cette approche :
1. la frontière entre le produit « packagé » et le sur-mesure est parfois mince
2. cette ambiguïté peut avoir d’importantes répercussions en termes de coût
3. l’externalisation de la technologie peut poser problème
Il est important de comprendre que la plupart des adservers du marché sont détenus par des régies ou des agences, ce qui revient à confier le cœur de son activité à un de ses concurrents.
. DART appartient à Doubleclick, racheté par Google en 2007
. Ad Tech et Tacoda ont été rachetés par AOL
. Right Media a été racheté par Yahoo!
. 24/7 Real Media a été racheté par WPP
. Quantive a été racheté par Microsoft
. Smartadserver est la propriété d’aufeminin.com (groupe Axel Springer)
L’externalisation du cœur de sa technologie est considérée comme un raccourci par certains, et une hérésie par d’autres. Pour prendre un parallèle intéressant dans le monde du e-commerce, cela revient un peu au choix à faire entre l’usage d’un marketplace existant (Amazon, eBay, Rueducommerce, etc.) ou le développement « from scratch » d’un outil e-commerce dont la facture s’élève au minimum à plusieurs dizaines de milliers d’euros. L’élément qui fera trancher en faveur de l’une ou l’autre des solutions est souvent le budget.
Solution n°3 : partir d’une base existante pour développer son propre adserver
Quiconque a déjà vu un tag éditeur Criteo trouvera une furieuse ressemblance avec les tags générés par OpenX. En effet, la version source d’OpenX est disponible au téléchargement et librement modifiable dans le cadre de sa licence GPL. Cet adserver pour le moins abouti peut donc servir de base à une architecture à mi-chemin entre l’existant et le développement sur-mesure. Attention toutefois, il s’agit d’une option complexe, nécessitant de s’entourer d’une équipe de développeurs de haut vol, car la réadaptation d’OpenX pour répondre à ses propres besoins implique la prise en compte d’une multitude de paramètres (connaissances métier adserving, problématiques d’hébergement, surcouche de l’existant, etc.). Enfin, l’implémentation de certaines fonctionnalités « avancées » peut vite tourner au casse-tête : ciblage comportemental, affichage prédictif ou retargeting demanderont un niveau de compétence élevé.
Il faut être conscient d’une autre limite du concept. Une surcouche profonde d’OpenX vous privera dans la plupart des cas de mises à jour. Or, le jour où une faille critique est découverte et corrigée pour les utilisateurs de la version « officielle » d’OpenX, vous resterez certainement sur le bord de la route, avec tout ce que cela implique. Dangers en termes de sécurité, nécessité de colmater la faille soi même, ré-adaptation de l’existant pour permettre la mise à jour, autant de points qui peuvent finir par coûter très cher.
Cette solution peut toutefois représenter un bon compromis entre le développement « from scratch » et l’usage d’une solution existante, car elle fait gagner un temps certain sur le développement du cœur de l’adserver, réduisant par la même le coût final de l’adserver, sans faire l’impasse sur les fonctionnalités, au regard de la robustesse d’OpenX.
Solution n°4 : développer son propre adserver
Cette ultime option est certainement la plus coûteuse, mais aussi le meilleur choix pour quiconque en a les moyens. Elle consiste à capitaliser sur sa propre technologie, celle qui fera la différence par rapport aux concurrents. Un autre point intéressant est la totale maîtrise de l’outil, et les évolutions possibles qui ont pour seule limite l’imagination de chacun, sans avoir à verser quelque redevance que ce soit à un prestataire de technologie. Car si le développement d’un adserver est coûteux en premier lieu, il peut devenir rentable sur le long terme. Le coût de location d’une technologie et la diffusion de volumes importants de publicités pendant 5 à 10 ans dépasse largement le coût initial de création d’un adserver.
Une des rares sociétés françaises disposant d’un vrai savoir-faire en matière de création d’adserver est PrestaConcept, qui a notamment réalisé Comtrack.
La création d’un adserver fait appel à de nombreuses compétences qu’il est difficile de réunir au sein d’une seule et même structure :
. connaissance de l’univers de la publicité
. spécification et priorisation des fonctionnalités
. architecture logiciel orientée adserving
. problématiques de tenue de charge
. problématiques de reporting
. optimisations de structure, prédiction du comportement
. inter-polarité entre les outils
. architecture de production
. tiers maintenance applicative
Le mot de la fin
Comme souvent, l’élément qui fera pencher la balance en faveur de l’une ou l’autre de ces solutions est le degré de complexité et les fonctionnalités consignées dans le cahier des charges du client potentiel. Un adserver du marché pourra certainement répondre à un cahier des charges « basique », en revanche, à mesure qu’un cahier des charges gagnera en complexité, il faudra considérer le développement de son propre adserver.
Questions clés à se poser avant de se lancer
Quel est mon budget ?
Plus le budget est important, plus la solution d’un adserver sur-mesure prendra du sens. A l’inverse, un petit budget s’orientera directement vers une solution déjà existante sur le marché.
Est-ce que je veux être maître de ma technologie ou non ?
Question stratégique, quasi philosophique. Les deux options se valent. Celui qui voudra être maître à 100% de sa technologie n’aura d’autre choix que de créer son propre adserver. Le gros avantage de cette solution réside dans le facteur de différenciation et la totale maitrise de sa stratégie.
Quel est le pan fonctionnel dont j’ai besoin ?
Plus le spectre des fonctionnalités attendues est important, plus les solutions clé en main montreront leurs limites. Il faut donc mettre à plat une liste exhaustive des fonctionnalités avant de faire son choix. Cela évitera bien des accidents de parcours dans la réalisation du projet, et évitera de se retrouver, le cas échéant, face à un mur.
Solution sur-mesure : faire les bons choix en matière d’architecture
Il s’agit certainement du premier point à prendre en considération si vous optez pour la réalisation d’un adserver sur-mesure. Les choix qui seront faits au moment de la conception de l’outil seront de nature à permettre (ou pas) d’ajouter des fonctionnalités différenciatrices. Il est courant que l’on se retrouve face à un mur lorsque l’on souhaite ajouter des fonctionnalités apportant de la valeur à l’outil (retargeting, comportemental, statistiques temps réel, etc.) si de mauvais choix ont été faits au niveau de la conception.